A bout de souffle, de longues avenues. Un matin partagé entre le bleu et le gris, un matin aux effluves de la ville qui se réveille. Un bus. A bout de souffle. Un autre bus. Le bus. Ipod, chewing gum à la menthe, chaleur étouffante. Puis, contre la vitre, les rues qui défilent, un sourire, une musique.

C'est tellement bon d'être en vie.

Quand j’ouvre les yeux, le bleu de mes pupilles capte l’océan de plumes qui s’étend devant moi, comme une mer étrange et voluptueuse, d’un blanc immaculé. Elle bouge, mère aimante et amère, onde suave et cupide, linceul prématuré d’un cœur qui bat encore. J’écarquille les yeux, je sens la pointe de mes cils encore humides toucher le grain lisse de mes paupières, laissant des marques noires qui disparaîtront avec l’eau ruisselante et salée de leurs larmes. Des milliers de perles de lumière scintillent à la surface des plumes, comme une rosée matinale fraîchement posée sur l’onde virginale qui s’étend sous l’astre brûlant et céleste. Je me force à briser mon regard sur cette boule de feu meurtrière, je la fixe et la défit tandis que des larmes de sang ruissèlent sur mes joues meurtries. Je tiens car je sais qu’il arrive. Ma peau se craque, ouvrant des fissures jusqu’au puit de mon âme, et je sais qu’il ne faut pas qu’elles restent ouvertes. Enfin il cache de son orgueil et de sa beauté la cruelle brûlure qui bouillonne, et il panse mes yeux d’un tissu aussi blanc que son torse, frais et doux. Je saigne encore, mais sa main protectrice se pose sur mon épaule frêle. Je lève la tête vers son visage invisible, je suis aveugle.